Le blog littéraire de Renaud Meyer

Les belles oeuvres sont filles de leur forme, qui naît avant elles. Paul Valéry

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Sauver le Livre

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Les propositions que nous avons faites courant novembre avec Xavier Houssin et Laurence Tardieu sur le statut des auteurs de l’écrit et l’évolution du Livre dans un univers numérique ne semblent pas avoir reçu un écho suffisant. Pas plus dans la presse que dans le milieu de l’édition. Et même si le politique n’a pas fait la sourde oreille, rien de concret ne semble se dessiner en la matière.

Je demeure persuadé qu’éditeurs et politiques feraient bien de prendre en considération les propositions les plus innovantes, quand bien même viendraient-elles des auteurs, s’ils ne veulent pas que le Livre suive le sort de la Musique. Vouloir sauver l’économie du Livre par une simple baisse de la TVA sur le numérique nous prépare des lendemains douloureux.

Il n’est ainsi pas inutile de revenir en détail sur les trois propositions que nous avons faites au Ministère de la Culture et à Hervé Gaymard.

La première mesure serait l’instauration d’une chronologie du Livre adaptée au numérique. Inspirée de la chronologie des médias, elle instituerait une période d’exclusivité pour les libraires durant laquelle les ouvrages ne seraient pas disponibles autrement qu’en format original papier relié. Une seconde période s’ouvrirait avec la vente d’occasion, puis la distribution en ligne sous forme de fichiers électroniques, avant une sortie en poche. Ces décalages dans le temps éviteraient une mise en concurrence par les prix entre les différents supports et donneraient ainsi davantage de visibilité aux acteurs qui s’investissent le plus dans la promotion des livres. Il apparaît ainsi évident qu’une sortie numérique concomitante à une sortie papier d’un même livre se ferait au détriment de l’ouvrage le plus cher et pénaliserait toute la chaîne du livre, ce que beaucoup ne semblent pas avoir réalisé.

Il serait souhaitable ensuite d’opérer une revalorisation et une meilleure répartition des sommes issues de la copie privée au bénéfice de l’écrit. L’importance croissante des usages numériques (iPod, clés USB, CD, Kindel, PC) ne doit pas s’opérer au détriment des auteurs de l’écrit. Conformément aux dispositions relatives à la copie privée, cette revalorisation devrait aussi servir à financer des actions d’aide à la création.

Enfin, un droit de suite perçu sur les livres d’occasion revendus sur Internet serait de nature à rééquilibrer le marché du Livre. Un pourcentage non-dissuasif du prix de revente serait versé aux différents ayants droits, auteurs et éditeurs, selon un mécanisme d’affectation spécifique à chaque bénéficiaire et non suivant une perception globale.

Christine Albanel vient de recevoir une mission relative au Livre numérique. Nos propositions pourraient se révéler innovantes et décisives en la matière. Qu’on les entende enfin à leur juste mesure.

Vers un statut pour les auteurs…

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Le sentiment qui nous animait avec Laurence Tardieu et Xavier Houssin lorsque nous avons écrit cette lettre ouverte à Frédéric Mitterrand était certainement intense et juste. Car cette voix commune était celle de tous les auteurs. Le ministre a su nous entendre, comme tous ceux qui nous ont témoigné depuis leur soutien, auteurs, éditeurs, libraires, journalistes, amis et bien d’autres.

Nous irons donc rencontrer, le 25 novembre prochain, le cabinet du ministre et le directeur du Centre National du Livre. L’occasion d’ouvrir pleinement le débat et de faire des propositions concernant le métier d’écrivain et sa rémunération.

Nous poursuivrons notre route pour un entretien avec Hervé Gaymard, auteur du rapport sur le Livre, qui souhaite évoquer la question avec nous.

Nombreux sont ceux qui désirent nous rejoindre.

Ces premiers pas sont exaltants et prometteurs.

Création et Internet

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_DSC0106Chroniquer la rentrée littéraire, théâtrale ou cinématographique est un plaisir autant qu’une mission d’intérêt général. Mais il faut avouer que si toutes les œuvres finissent par disparaître dans le trou Internet, l’exercice tiendra bientôt du supplice de Sisyphe. Alors soyons un peu austères en cette rentrée, histoire de sauver ce qui nous fait encore vivre et vibrer. Car le sujet qui m’occupe, le sujet central, est bien celui-là : Internet et les créateurs. J’aurai, ici et ailleurs, l’occasion d’y revenir.

Les créateurs ont longtemps cherché à faire de leurs œuvres des actes politiques, s’inscrivant ainsi dans leur temps par une prise en charge affective de la société. L’artiste revendiquait sa liberté, son insolence, ses choix face au pouvoir en s’appuyant sur ceux qui le soutenaient. Et si le politique favorisait son épanouissement, l’artiste demeurait maître de sa parole, gardien de son œuvre, investissant son temps par son art.

Il faut avouer que la culture a implosé et que ses acteurs n’ont plus cette liberté. Non que le politique se soit empressé de la leur confisquer, mais simplement parce que notre temps fait des œuvres une denrée commune, transformant le bien de l’artiste en droit à consommer pour tous.

Et voilà le politique volant au secours de l’artiste.

Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture, a lancé hier une mission de réflexion intitulée « création et Internet ». Il a chargé Patrick Zelnik, Président d’Impala et Président-directeur général de Naïve, de conduire une mission sur le développement de l’offre culturelle en ligne et la rémunération des créateurs et des entreprises des industries culturelles pour la diffusion de leurs œuvres sur Internet.  Jacques Toubon,  ancien ministre de la Culture,  ainsi  que Guillaume Cerutti,  Président  de Sotheby’s France, seront les deux autres membres de cette mission.

Pour Frédéric Mitterrand, la lutte contre le piratage des œuvres, via notamment Hadopi, constitue une condition nécessaire, mais non suffisante, pour faire d’Internet un vecteur privilégié de la diffusion de contenus culturels. L’objectif de la mission est donc de permettre aux consommateurs, aussi bien qu’aux acteurs de la création, de tirer tous les bénéfices de ce nouveau cadre juridique. Il s’agira ainsi de faciliter la circulation des œuvres et la libération des droits de celles-ci, et d’offrir un juste prix aux consommateurs. Quant à la rémunération des acteurs de la création, celle-ci devra tenir compte des ressources dégagées par les nouveaux modèles économiques. « Le progrès technique ne veut pas dire qu’il y ait obsolescence des principes », a rappelé Frédéric Mitterrand.

Cette mission, si institutionnalisée soit-elle, est une double chance. D’abord, parce qu’elle sera peut-être l’occasion pour tous les acteurs culturels d’être consultés sur leur avenir. Gens du cinéma, du théâtre, de la musique, de la danse, du livre. Ensuite, parce que le but de la mission est de trouver un équilibre entre les différents interlocuteurs (industriels, créateurs, consommateurs). Et c’est là que le politique doit, par son action, permettre au créateur de maîtriser à nouveau son champ d’investigation, afin que l’œuvre demeure un acte libre qui ne soit confisqué ni par le consommateur, ni par l’industriel.