Le blog littéraire de Renaud Meyer

Les belles oeuvres sont filles de leur forme, qui naît avant elles. Paul Valéry

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Les garçons et Guillaume , à table !

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J’ai connu Guillaume, il y a longtemps. Dans les sous-sols de la Comédie-Française. C’est là que nous étions tous les deux, avec d’autres. Sarah Mesguich, Catherine Mesguich, Laurent Montel, Jacques Poix-Terrier… C’était en 1997. La Vie parisienne, mise en scène par Daniel Mesguich. Nous y chantions tous.

Je me souviens de notre costume avec Guillaume. Tous les deux en Richard III. En alternance sur le début des représentations. J’avais le costume de cuir de Robert Hirsch, Guillaume celui de Michel Aumont. Eux aussi en alternance dans la mise en scène de Richard III de Terry Hands durant les années 70 avec Ludmilla Michael, là où fut conçue Marina Hands… Bottes de cuir à talons « claudiquateurs »…

Je sentais déjà chez Guillaume l’étoffe d’un grand. Grand acteur, peut-être, mais surtout grand artiste, avec un sens du théâtre, du verbe, de l’autre, un don rare.

Depuis, il a fait son chemin. A la Comédie-Française, où il est devenu sociétaire. A Canal Plus, qui lui a offert la notoriété. Au cinéma, qui ne l’emploie pas toujours comme il faudrait… Et puis seul en scène, avec ses textes et son histoire. C’est là qu’il est assurément le plus étonnant, le plus juste, le plus exceptionnel.

« Les garçons et Guillaume, à table ! » raconte Guillaume. C’est lui dans toute sa théâtralité, lui dans sa vie, qui n’est que théâtre, lui au cœur de lui-même, sensible, généreux, touchant, distant par pudeur et élégance, joueur par nécessité. Il tient ses convives en haleine avec des riens, son corps, quelques accessoires, un jeu entre lui et nous, un amas de mots et de situations pour mieux le situer et nous situer dans nos conventions ridicules. Presque du Molière seul en scène sur un caneva peu tissé : « Ma mère voulait que je sois une fille, et il a fallu que je fasse mon coming-out. Maman, je suis un garçon, et j’aime les filles. »

Guillaume reprend son spectacle au Théâtre de l’Athénée du 21 janvier au 20 février.

C’est intelligent et émouvant à y courir plus d’une fois.

Mesguich sur le chemin du roman

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94581_1Comédien aussi étrange que fascinant, metteur en scène follement original talonné par un pur classicisme, Daniel Mesguich a marqué la scène du théâtre français de son empreinte et de sa voix. Le voilà désormais romancier avec « L’effacée ».

Pour ceux qui ont suivi sa route depuis trente ans, Mesguich, c’est Racine et Shakespeare, c’est un miroir, des colonnes de livres et des personnages dédoublés, c’est un sérieux, un visage concerné, habité, une conscience aigue de ce que doit être le théâtre, la façon de le dire, les multiples intentions qui se cachent sous un alexandrin. Voilà pour les apparences.

Il suffit cependant de s’arrêter un peu en chemin avec le maître pour saisir qu’il y a derrière ce miroir qui lui est cher un monde qu’il ne dévoile, celui de l’humour et de la douceur, de l’enfance, de la perte, du théâtre intérieur.

Ce premier roman paru chez Plon est l’occasion d’opérer une traversée du miroir en sa compagnie. Il y a bien sûr tous les reflets qu’il offre depuis que le théâtre s’est emparé de lui : l’obsession d’Hamlet, les culbutes de la fiction et du théâtre, le livre et ses rapports à la réalité. Mais c’est surtout au Mesguich pudique et torturé, humain et touchant, que l’on a affaire. La phrase est complexe et poétique, souvent belle, la grandeur y est plus évanescente que l’on ne pense. Et puis il y a Marseille comme un retour vers l’enfance, le théâtre en devenir. Et si tout cela n’avait été qu’un rêve ?

Rares sont les œuvres de fiction qui permettent au lecteur de se dire : « voilà, j’ai passé quelques heures avec l’auteur, dans ce qu’il y a de plus profond en lui ». C’est chose faite.

Written by Renaud Meyer

octobre 6, 2009 at 9:52