Le blog littéraire de Renaud Meyer

Les belles oeuvres sont filles de leur forme, qui naît avant elles. Paul Valéry

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Prix Constantin 2010

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Le Prix Constantin 2010 de la révélation musicale a été remis, hier soir, à … l’Olympia. Pour connaître le nom du gagnant, il vous faudra patienter jusqu’à la fin de ce petit papier. Pas sûr d’ailleurs que le nom du lauréat(e) soit la chose la plus remarquable de cette soirée qui n’en finissait pas (quatre heures), mais où jamais l’on ne s’ennuya.

Et tout d’abord, grâce au talent incroyable de Thomas VDB, showman et improvisateur surprenant, chargé d’animer la soirée. Résolument insolent, vif, intelligent, et drôle, il parvient même à nous faire rire en citant l’interminable liste des sponsors. Véritable surprise de cette soirée, Thomas VDB est un Monsieur Loyal qui dit tout haut ce que chacun voudrait crier, faisant de ses intermèdes le moment le plus attendu… Ainsi de demander à Arnaud Fleurent-Didier comment se passent les castings pour recruter ses musiciennes décidément sexy, à Camelia Jordana, avec une moue paternelle, si elle trouve vraiment drôle de ne pas avoir passé son bac, à Gush pourquoi ils sont venus à quatre pour l’interview alors qu’un seul aurait suffi tellement ces quatre-là semblent clonés. Impossible de tout retenir. Alors pour ceux que cela amuse, je ne saurais trop leur conseiller la diffusion de cette soirée sur France 4 le 22 novembre à 22 h 40. Le sommet du talent de VDB étant atteint avec l’interview de Zaz, jeune chanteuse qui s’est hissée en tête des charts avec sa chanson « Je veux », vendue à 300 000 ex. cette année. Car c’est tout l’art de VDB que de poser le doigt où il ne faut pas.

A la jeune rebelle qui revendique l’ouverture, la générosité et le rejet des valeurs d’argent, il pose la question. Celle qu’il fallait. « Que vas-tu faire faire de tout cet argent ? » C’est l’insolent au service de la vérité. Voilà Zaz qui se tortille sur son tabouret. On la sent agacée, puis énervée, elle le giflerait bien ce VDB. De quoi il se mêle ? « Pourquoi, c’est sale de gagner de l’argent ? lance Zaz. C’est pas un métier chanteuse ? Il faut que je dorme dans la rue, c’est ça ? » Je ne sais pas, semble répondre VDB. « Moi, je pense que c’est pas bien de gagner de l’argent », répond la jeune fille. En fait, elle ne sait plus si c’est bien ou pas. Ce qu’il faut penser d’elle-même. Elle a dénoncé le Grand Capital, et la voilà à la tête d’une petite fortune. VDB est un miroir impitoyable qui révèle Zaz à elle-même, et à nous par la même occasion. La rebelle n’est qu’une petite bourgeoise qui se dégoûte. Comme si l’argent pouvait changer les êtres. Zaz n’est rien qu’une apparence. La fin de soirée nous le confirmera. Alors qu’elle a chanté ses deux titres dans une petite robe bien sage, bourgeoise et moderne, VDB lui demande où sont passés son foulard grunge et son pantalon hippie. « Tu ne t’intéresses qu’aux apparences », lui répond-elle. Mais quand elle viendra saluer, à minuit, perdante et étonnée, elle aura quitté sa robe trop bourgeoise et remis son pantalon grunge. Zaz avait pourtant tout dit dans sa chanson : « Je veux ». On l’avait comprise…

Le Prix Constantin est bien sûr une soirée musicale. Plutôt réussie. On aura goûté les duos Marc Lavoine (président cette année) avec Carla Bruni (femme d’un autre président) et avec Raphaël (un très réussi « Marilou sous la neige » de Gainsbourg). Et puis, les candidats en lice cette année, Stromae (dont la fougue et le talent apportent un souffle décidemment neuf à la chanson française), Ben l’Oncle Soul (à l’énergie 60’s contagieuse) et Féfé (ce « jeune à la retraite » qui fait bien de travailler comme il le fait). Belle surprise aussi avec Camelia Jordana et son « Lettera », complainte réaliste empreinte de modernité. Moins séduisants les poses dandy de Fleurent-Didier, le trash de Carmen Maria Vega, la pop vue et revue de Gush et le Folk-jazz d’Hindi Zahra, pourtant gagnante du Prix cette année. Voilà, c’est dit, c’est elle.